LES OBJECTIFS DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

Toutes les recherches scientifiques ont un objectif. C’est leur point de départ. La réitération des expériences peut permettre d’obtenir des éléments de réponse. Cet objectif est issu d’un besoin non couvert. Dans le cas des maladies rares, les objectifs de la recherche sont par exemple de :

  • Décrire. Pour comprendre la maladie, son évolution, ses conséquences, il est nécessaire de la connaître et de la décrire, comme dans les études d’histoire naturelle.
  • Comprendre. La mise au point d’un traitement nécessite de comprendre la maladie et ses conséquences et d’en chercher la cause (recherche fondamentale).
  • Soigner. En l’absence d’un traitement étiologique, la recherche biomédicale peut viser à :
    • Soulager les conséquences de la maladie en mettant au point des traitements symptomatiques ;
    • Mieux diagnostiquer les patients en mettant au point des biomarqueurs, des tests diagnostiques, …
  • Accompagner. En l’absence de traitement, ou durant la très longue phase de mise au point d’un médicament, la personne malade a besoin de solutions quotidiennes pour vivre avec la maladie, dans son parcours de soin (ce qui fait l’objet de recherches médicales et paramédicales) et dans son parcours de vie (ce qui fait l’objet de recherches en sciences humaines et sociales).
  • Guérir. L’objectif ultime de la recherche biomédicale est la mise au point d’un traitement pour guérir la cause de la maladie (traitement étiologique). Le circuit de développement d’un (bio-)médicament ou son repositionnement s’inscrit dans cet objectif.

Les objectifs des travaux de recherche sont issus des besoins non couverts. Or, du fait de ses missions et de sa proximité avec les personnes malades, l’association joue un rôle dans le recensement et l’expression de ces besoins non couverts.

  • Les besoins non couverts
Tous les échanges entre l’association et ses interlocuteurs sont susceptibles de mettre en lumière des besoins non couverts : échanges téléphoniques avec les familles, groupes de parole, assemblées générales, rencontres avec les professionnels, analyse des bases de données…. Des réunions dédiées peuvent également s’organiser, tout particulièrement s’il vous semble que les recherches actuelles concernent trop peu des besoins actuels ou s’intéressent toujours au(x) même(s) besoin(s). La Fondation Maladies Rares peut vous aider dans l’organisation et la tenue de ces réunions de réflexion. Enfin, certaines associations conçoivent des sondages et enquêtes ayant pour objectif de cibler les principales difficultés rencontrées par les personnes malades. Ces résultats peuvent être utilisés pour identifier des pistes de recherche, qui pourront être discutées avec des chercheurs et/ou le conseil scientifique de l’association par exemple.
  • Prioriser les besoins non couverts

Selon l’avancée de la recherche, les traitements existants, ses objectifs et ses moyens, l’association pourrait être amenée à prioriser les besoins exprimés. Une bonne compréhension globale de l’organisation de la recherche et de ses objectifs bénéficiera grandement aux décisionnaires de cette priorisation ; comprendre la recherche, ses délais, son coût et ses aboutissements leur permettra de prendre une décision éclairée. Le rapprochement de plusieurs associations couvrant des maladies proches ou dressant les mêmes besoins de recherche pourrait permettre de mutualiser les expériences, mais aussi les moyens et d’aider à cette priorisation.

  • Exprimer les besoins non couverts

Exprimer les besoins non couverts en objectifs de recherche nécessite d’utiliser le bon langage, auprès du bon public. Des intermédiaires de confiance, tels qu’un Conseil scientifique ou bien la Fondation Maladies Rares, peuvent vous aider à exprimer vos priorités auprès d’un auditoire de chercheurs, voire vous aider à vous connecter à cet auditoire.


Les outils pour les adhérents de l’Alliance maladies rares :
– RDV Web « Animer un conseil scientifique » – Vidéo du 02/07/2019
– RDV Web « Comment identifier et se connecter aux chercheurs » – Vidéo du 24/06/2021

Interview de

Paola de Carli − Directrice du pôle recherche

Vaincre la mucoviscidose

L’expression et la priorisation des besoins non couverts sont une question fondamentale pour nous. Un besoin exprimé, quel qu’il soit, et en particulier sur des sujets délicats, permet d’identifier une problématique importante du point de vue des patients et de leurs proches qui peut, parfois, ne pas être ciblée par des travaux de recherche. Aussi, cela peut permettre d’aborder des sujets sensibles que les patients et les proches peuvent avoir du mal à aborder avec les soignants (ex : observance, effets indésirables des traitements, adaptations de dose par les patients, recours à des médecines alternatives, sexualité…). C’est une étape essentielle pour faire émerger de nouveaux projets de recherche.

C’est donc un réflexe que nous avons acquis pour toutes nos activités de soutien à la recherche : il y a toujours une phase où nous discutons de la façon dont ces besoins vont pouvoir s’exprimer et des priorités à donner aux informations que nous remontent les personnes concernées.

Nous anticipons ce questionnement dans toutes nos actions : financement, animation scientifique, communication… Ainsi, notre appel à projets annuel est revu chaque année en tenant compte de tout ce qui a pu être remonté en termes de problématiques d’intérêt pour les patients et les proches, avant la rédaction et la publication des textes.

Nous veillons également à la bonne représentativité des patients et de leurs proches dans tous nos groupes, instances et initiatives. C’est la meilleure façon de faire émerger les besoins non couverts, surtout dans un contexte très dynamique comme celui de la mucoviscidose.

Nous sommes aussi très attentifs à ce que l’expression des besoins non couverts fasse l’objet d’un échange et mette en avant la valeur de la discussion partagée. Pour cela, nous consultons régulièrement ce que nous appelons le « Groupe Ressource Patients et Proches pour la recherche », constitué de patients et de proches ayant une sensibilité pour les questions de recherche et/ou un parcours scientifique, pour faire appel à leurs expertises.

Selon les activités, il est utile de proposer différentes modalités d’expression des besoins. Les bonnes idées de recherche peuvent émerger dans des contextes différents et venir de personnes qui n’ont pas nécessairement une formation scientifique ou une appétence pour la recherche.

Nous mettons également en place des expériences innovantes pour favoriser l’expression des besoins non couverts et leur priorisation.

Ainsi, pour encourager le montage de projets en Sciences Humaines et Sociales, nous avons organisé avec la Fondation Maladies Rares un atelier de brainstorming. Celui-ci a permis l’expression de besoins non couverts dans le parcours de vie des patients et la priorisation par les patients des thématiques dégagées.

Pour favoriser l’expression des thématiques prioritaires pour les patients, nous avons également demandé à notre Groupe Ressource, constitué de patients et de proches de sélectionner et traduire des résumés vulgarisés de publications scientifiques (CF Research News), sur des sujets importants à leurs yeux. Ces traductions sont publiées tous les 15 jours sur notre site web et diffusées sur les réseaux sociaux. Ce dispositif permet de diffuser une information scientifique correcte et de valoriser les sujets qui intéressent le plus la communauté.

Un autre temps fort est la construction du programme de notre rencontre annuelle. Le comité d’organisation est aussi une occasion d’exprimer les thématiques d’importance pour les personnes malades et leurs proches.

La priorisation est une problématique en soi. Recenser des besoins non couverts demande de la méthodologie, quand la priorisation fait appel à des éléments plus subjectifs, voire politiques.

A titre d’exemple, dans les résultats d’une récente enquête européenne sur les ‘Top ten’ de la recherche en mucoviscidose, aucune thématique en lien avec la transplantation n’est ressortie, alors que ce sujet est récurrent au sein de notre communauté nationale ! Cela peut être lié à différents facteurs, comme la façon dont les questions ont été formulées ou la méthodologie de synthèse des réponses.

Le recours à des questionnaires est naturel lorsque l’on souhaite donner la parole à notre communauté mais il faut veiller à ne pas y traduire ses sensibilités ou ses pratiques.

Enfin, la priorisation est aussi politique : elle va dépendre de l’orientation que l’association veut donner à son action.

Caroline Roatta − Présidente

Association Bernard Pépin pour la maladie de Wilson

Dans quel contexte et pourquoi avoir mis en place cette enquête ?
L’ABPWilson, en collaboration avec le CRMR Maladie de Wilson et autres maladies rares liées au cuivre (CRMR Wilson), avec un financement de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), avait réalisé en 2017 l‘étude Wilobs qui confirma le faible niveau d’observance au traitement. (…) Ceci motiva les membres du Bureau de l’ABPWilson à proposer différents outils de rappel (…). C’est grâce aux retours des patients sur ces différents outils, que l’idée d’enquêter sur l’effet de ces derniers sur l’amélioration – ou pas- de l’observance et l’expérience des patients avec les traitements est née (…).

Comment cette enquête a-t-elle été réalisée en collaboration avec le conseil scientifique, le CRMR Wilson et le soutien institutionnel d’Orphalan ?
Durant mes études de Master, j’ai appris comment faire une enquête et j’ai donc proposé une première version au Conseil Scientifique, aux médecins du CRMR Wilson. L’idée était de pouvoir collecter le plus d’informations possible sur l’expérience des patients avec les médicaments, l’observance et le suivi de la maladie. Chacune des parties a apporté son expertise et évoqué les sujets qu’elle trouvait importants à traiter et comment les mesurer.

Quels sont les principaux apports pour l’association (utilisation des résultats, pistes…) ?
Les résultats de cette enquête appartiennent à l’association. C’est nous qui avons décidé quand et comment les publier. La démarche a été la suivante :
L’enquête s’est déroulée (…) à travers un questionnaire en ligne (…) adressé aux adhérents de l’association mais également à des patients non adhérents lors des consultations dans les centres MW. (…) J’ai fait l’extraction des données et je l’ai envoyé au Conseil Scientifique qui s’est chargé de faire une première interprétation (…). Ensuite, j’ai rédigé un article mettant en lumière des pistes de travail intéressantes pour nous patients (…) au-delà des informations que ces résultats peuvent offrir aux médecins spécialistes de la maladie. Il s’agit d’une invitation à tenir compte de nos interprétations, préoccupations et pouvoir ainsi collaborer à de futurs projets et partenariats. L’article est publié dans notre Bulletin annuel InfoWilson n°21. Nous l’avons envoyé, entre autres, aux médecins, à Orphalan et aux autres laboratoires avec lesquels nous sommes en contact (…). Nous avons présenté aussi deux posters, en français et en anglais (…).

En tant qu’association de patients ayant pour objectif d’améliorer le quotidien des patients, nous avons attiré l’attention des industries pharmaceutiques et médecins spécialistes de la maladie, sur le fait que plus de la moitié des patients déclarent un ou plusieurs effets secondaires et très peu d’études visent à diminuer ce type d’effets secondaires très récurrents et retrouvés pour les trois traitements. (…)

Pour nous, ces résultats sont aussi un point de départ pour proposer les futurs actions de l’ABP Wilson et une invitation à co-construire des projets impliquant d’autres acteurs institutionnels, publics et privés, du monde de la médecine, de l’industrie pharmaceutique, mais aussi du secteur associatif et du domaine de la recherche en sciences humaines et sociales, de la politique et des secteurs de l’innovation technologique et sociale. En effet, avant la fin de 2022, nous lancerons le programme d’accompagnement pour les patients non-observants, “Wilobs support”, en collaboration avec le CRMR Wilson, l’entreprise Patientys et avec le soutien institutionnel de Orphalan.

Pour lire le témoignage en entier : https://alliance-maladies-rares.org/wp-content/uploads/2022/11/itw2_cestpourvous_CRoatta.pdf

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